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« La lecture commence les yeux fermés ».

Yvan Riaulard

https://www.youtube.com/watch?v=SBVXBq6rfBs

La lecture à haute voix des textes suggère un univers, une atmosphère, des sentiments, des personnages que le lecteur public doit intégrer avant de prendre la parole. De son côté, l’auditeur est en situation d’écouter ces textes en créant ses propres images.

Dès l’Antiquité on lit à voix haute le livre à ceux qui ne savent pas reconnaître les lettres et les mots.

On continue de le faire au XXIème siècle aux enfants qui ne savent pas encore lire.

Les premiers enregistrements de musique et de langue parlée sont rendus possibles grâce à l’invention du phonographe en 1877 par Thomas Edison qui imagine comme application à son invention des « livres phonographiques » destinés aux personnes aveugles.

Les romans lus à voix haute

Sur le volumen de l’Antiquité classique, le texte se trouve inscrit en colonnes perpendiculaires au sens de déroulement d’un rouleau de papyrus, un peu à la manière des images d’un film, et cette forme de lecture rend évidemment difficile toute consultation ponctuelle ou tout retour en arrière, de telle sorte que l’écriture y apparaît conçue comme une reproduction de la parole. Bien plus, si les mots sont généralement séparés dans les écritures consonantiques afin de faciliter la compréhension des paroles dont le seul squelette consonantique est inscrit sur la feuille, les lettres se suivent d’ordinaire sans séparation chez les Grecs, et aussi, à partir du Ier siècle après J.-C., chez les Latins – les scribes se contentant d’isoler en certains cas les syllabes afin de faciliter la prononciation. De même, la ponctuation reste le plus souvent élémentaire et se trouve limitée, au moins pour les Latins, à des points placés à des hauteurs différentes ainsi qu’à des blancs, et cela dans le meilleur des cas.

Dans ces conditions, les lecteurs avaient tout intérêt à lire de tels textes à haute voix afin de se laisser guider par le rythme de la phrase. Qu’on ne s’étonne donc pas si les Anciens, férus d’art oratoire, étaient accoutumés à lire à haute voix ou, du moins, à voix murmurante ou, mieux encore, à se faire lire les documents comme les œuvres littéraires.

D’où le rôle joué dans l’Empire romain par les lectures faites en public. De telles pratiques permettent de mieux comprendre la composition de certaines œuvres littéraires où l’on relève des digressions et des retours en arrière destinés à délasser l’auditeur ou à lui rappeler les données essentielles du sujet traité. Mais on ne doit pas moins admirer la faculté d’attention d’un public capable de comprendre et d’apprécier des œuvres d’une grande densité d’information et d’une logique rigoureuse au rythme d’une lecture à voix haute.

Lire et enregistrer la lecture pour être entendu

On retrouve l’idée théorique du livre audio dès 1650 dans le roman satirique de Cyrano de Bergerac Histoire comique des États et Empires de la Lune (chap.7) :

« À l’ouverture de la boîte, je trouvai dedans un je ne sais quoi de métal quasi tout semblable à nos horloges, plein d’un nombre infini de petits ressorts et de machines imperceptibles. C’est un livre à la vérité, mais c’est un livre miraculeux qui n’a ni feuillets ni caractères ; enfin c’est un livre où, pour apprendre, les yeux sont inutiles ; on n’a besoin que d’oreilles. Quand quelqu’un donc souhaite lire, il bande, avec une grande quantité de toutes sortes de clefs, cette machine, puis il tourne l’aiguille sur le chapitre qu’il désire écouter, et au même temps il sort de cette noix comme de la bouche d’un homme, ou d’un instrument de musique, tous les sons distincts et différents qui servent, entre les grands lunaires, à l’expression du langage. »

« Lorsque j’eus réfléchi sur cette miraculeuse invention de faire des livres, je ne m’étonnai plus de voir que les jeunes hommes de ce pays-là possédaient davantage de connaissance à seize et à dix-huit ans que les barbes grises du nôtre ; car, sachant lire aussitôt que parler, ils ne sont jamais sans lecture ; dans la chambre, à la promenade, en ville, en voyage, à pied, à cheval, ils peuvent avoir dans la poche, ou pendus à l’arçon de leurs selles, une trentaine de ces livres dont ils n’ont qu’à bander un ressort pour en ouïr un chapitre seulement, ou bien plusieurs, s’ils sont en humeur d’écouter tout un livre : ainsi vous avez éternellement autour de vous tous les grands hommes et morts et vivants qui vous entretiennent de vive voix. »

Cyrano de Bergerac Histoire comique des États et Empires de la Lune

LA MAGIE DU LIVRE AUDIO

Le livre audio, d’abord imaginé à l’intention des personnes mal ou non voyantes, il attire un public de voyants qui aiment écouter une histoire, qui aiment découvrir un roman par le sens auditif.

La lecture d’un livre audio est-elle plus longue que la lecture d’un livre imprimé ?

La lecture intime peut paraître plus rapide, mais sur des textes plus difficiles d’accès, le travail de l’acteur qui lit le texte est une clef qui peut considérablement faciliter, et donc accélérer, la lecture d’un texte. L’exemple de À la recherche du temps perdu est édifiant pour cela : le travail des comédiens permet de faire émerger le sens des phrases proustiennes, que l’on peut prendre un certain temps à trouver par soi-même dans une lecture sur livre papier, pour offrir à l’auditeur la beauté et la richesse de ce grand monument littéraire.

Ecoutez ici Madame Bovary sur litteratureaudio.com

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