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malais/indonésien/javanais et… français !

Connaissez-vous La Malaisie ?

La Malaisie, en malais Malaysia, est un pays d’Asie du Sud-Est, constitué de la Malaisie péninsulaire ou Malaisie occidentale (majeure partie de la péninsule Malaise) et de la Malaisie orientale (nord de Bornéo). Elle est située à environ 200 km au nord de l’équateur. Sa capitale est Kuala Lumpur. La Malaisie occidentale ou Malaisie péninsulaire (au sud de la Thaïlande) est divisée du nord au sud par une longue chaîne montagneuse dont le point culminant se situe à 2189 m (Mont Tahan) et où subsistent de vastes zones forestières.

Le Pantoun malais est une poésie traditionnelle. Elle est à rapprocher du haïku traditionnel pour les Japonais.

Le terme pantun (transcrivons en français : pantoun) désigne en langue malaise (ou indonésien en Indonésie), un quatrain fait pour être énoncé, échangé, récité, chanté, dansé en toute circonstance de la vie quotidienne (déclarations d’amour, de rupture, railleries, allusions, proverbes…) ou de cérémonies (soirées dansantes, concours et « jeux de société », mariages…).

Une coquille d’éditeur et voilà un nouveau genre poétique français !

Victor Hugo utilise la transcription française naturelle du mot pantoun, mais une coquille d’éditeur non corrigée figea dans la tradition française le terme erroné de pantoum, avec un M à la place du N. A la suite de quoi et grâce à Baudelaire et à son Harmonie du soir (qui est un faux pantoun en plus !), ledit pantoum en est venu peu à peu à désigner un genre fixe français.

La liste des poètes auteurs de pantoums n’a cessé en effet de s’allonger et de s’internationaliser après Hugo et Baudelaire, et tous emploieront le terme erroné de pantoum, même si quelques-uns des poètes pionniers, comme Gérard de Nerval et Leconte de Lisle ont respecté le terme original – ce dernier sans doute parce que son origine réunionnaise le rendait plus proche de la source venue de l’Océan Indien.

La règle de clausule

Théodore de Banville, dans son Petit traité de poésie (1872) invente une règle, la « règle de clausule », qui veut que le dernier vers de la dernière strophe d’un pantoum reprenne le premier. Avec cette fictive règle, le pantoum s’émancipe de son ancêtre malais. Et il devient, souvent, un poème aussi long et mono-tonal (c’est-à-dire d’un ton unique) que le pantoun était fait pour être bref et percutant.

Voici quelques exemples de pantoun français.

Le poème qui suit, traduction en prose d’un poème malais par un érudit de l’époque, Ernest Fouinet, reprise par Victor Hugo dans les notes des Orientales, est le premier exemple de pantoun apparu en France.

Les papillons jouent à l’entour sur leurs ailes ;
Ils volent vers la mer, près de la chaîne des rochers.
Mon cœur s’est senti malade dans ma poitrine,
Depuis mes premiers jours jusqu’à l’heure présente.

Ils volent vers la mer, près de la chaîne de rochers…
Le vautour dirige son essor vers Bandam.;
Depuis mes premiers jours jusqu’à l’heure présente,
J’ai admiré bien des jeunes gens ;

Le vautour dirige son essor vers Bandam,…
Et laisse tomber de ses plumes à Patani.
J’ai admiré bien des jeunes gens ;
Mais nul n’est à comparer à l’objet de mon choix.

Il laisse tomber de ses plumes à Patani.
Voici deux jeunes pigeons !
Aucun jeune homme ne peut se comparer à celui de mon choix,
Habile comme il l’est à toucher le cœur.

Louisa Pène-Siefert (1845-1877) a écrit le pantoun suivant.

Ce texte écrit par une jeune femme de 20 ans, enlace le thème du temps qui passe, annonce d’une mort précoce, et celui du temps des saisons qui s’écoule et voit le retour de l’automne, précédant l’hiver. Les deux thèmes sont liés par cette fuite irrémédiable, l’un étant l’allégorie de l’autre.

Vraiment j’ai vingt ans révolus,
Ma première enfance est enfuie.
— Hélas ! les beaux jours ne sont plus,
C’est l’automne, voici la pluie.

Ma première enfance est enfuie,
Mes premiers muguets sont passés.
— C’est l’automne, voici la pluie,
Les nuages sont amassés.

Mes premiers muguets sont passés,
Mon aubépine est effeuillée.
— Les nuages sont amassés,
La prairie est toute mouillée.

Mon aubépine est effeuillée,
Et j’ai pleuré sur ses débris.
— La prairie est toute mouillée,
Plus de soleil, le ciel est gris.

Et j’ai pleuré sur ses débris.
Pourtant, ce n’était rien encore.
— Plus de soleil, le ciel est gris,
Le bois de rouge se colore.

Pourtant ce n’était rien encore,
D’autres fleurs s’ouvraient sous mes pas.
— Le bois de rouge se colore
Mais le beau temps ne revient pas. 

Les CINQ RÈGLES DU JEU DU PANTOUN

1/Le pantoun est un poème constitué d’une suite de quatrains (au minimum de six).

2/Vers en octosyllabes ou décasyllabes mais on conserve le même nombre de syllabes dans tout le poème.

3/On alterne les rimes féminines et les rimes masculines et on CROISE

A
B
A
B

4/On applique la règle de clausule :

Le deuxième vers du premier quatrain devient le premier vers du deuxième quatrain,
Le quatrième vers du premier quatrain devient le troisième vers du deuxième quatrain,
Et ainsi de suite…

A noter :
Le deuxième vers et le quatrième vers de chaque quatrain doit obligatoirement se terminer par un point, un point d’exclamation ou un point d’interrogation.

Le dernier vers du dernier quatrain du poème est le même que le premier vers du premier quatrain (Voir Gradus : épanadiplose).

5/Jusque-là, tout est facile !
La cinquième règle complique un peu les choses : il ne faut pas de vers-phrases, chaque vers doit se connecter au suivant, et au quatrain suivant également,
On peut donc trouver des vers sans verbe, juste un complément (de temps par exemple)…


PIÈCE D’ÉTUDE A la manière de René Ghil

René Ghil (1862-1925)

En décembre 1913, quelques jours avant Apollinaire, il enregistra aux « Archives de la parole» son Chant dans l’Espace qui contient ce vers résumant toute sa conception du monde et de la poésie :« Ma pensée est le monde en émoi de soi-même. »

Lisons trois poèmes pantoun de René Ghil, remarquons les vers en reprise, le vocabulaire exotique utilisé.

Le temps de pluie en d’Yawa, a grossi
l’œil de l’eau d’où sort la rivière grosse :
Le lit des larmes élargit aussi
alors que le trop-plein de l’âme hausse.

L’œil de l’eau d’où sort la rivière grosse :
inonde au loin la dessa, et la troue :
Alors que le trop-plein de l’âme hausse
autour de vivre la douleur se noue ! (page 33)

Ma terre goutte en sueurs de soleil :
ma terre est trop petite à tant d’amour !

Voilà que d’ors agitent mon orteil
mes attentes trop vives en l’entour.

Ma terre est trop petite à tant d’amour
et les papillons volent vers la mer.

Mes attentes trop vives en l’entour

dispersent en désirs mon geste ouvert ! (page 43)

Autour de la roumah, d’un vol de songe –
des lôwô, ont tourné les glissers mous…
Dans la nuit qui dorantes, les prolonge
mes paupières palpitent un air doux !

Des lôwô, ont tourné les glissers mous…
qui dans la nuit sont de la nuit qui plisse.
Mes paupières palpitent un air doux
autour de mon Ami, qui s’en languisse !

Qui dans la nuit sont de la nuit qui plisse.
du tshelem’poun’g l’on dirait les sons longs :
Autour de mon ami, qui s’en languisse !
mon slen’dang’ étreint d’amour ses talons…

Du tshelem’poun’g l’on dirait les sons longs :
Dans les voix des kong-kang et des kod’lok :
mon slen’dang’ étreint d’amour ses talons
sortis des routes de Tandiong’-Priok…

Dans les voix des kong-kang et des kod’lok :
Un gam’lang’ d’or, tinte d’amour gémi !
sortis des routes de Tandiong’-Priok…
mais les vaisseaux de l’ouest n’ont mon Ami !

Un gam’lang’ d’or tinte d’amour gémi
Où s’alentit ma danse de rong’ghen’g :
Mais les vaisseaux de l’ouest n’ont mon Ami –
Que mes mains ont doré d’odeur d’aren’g !… (Pages 57-58)

A vous de jouer !

Exotisme et rêves sont au rendez-vous !
Grâce aux modèles précédents et en suivant la règle du jeu,

Ecrivez un pantoun de six quatrains, en octosyllabes ou en décasyllabes, au choix…
Inspirez-vous de la couverture du livre et illustrez l’exotisme de votre poème, à votre manière !

 

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